28 mai 2008

Mendiants en attente?

(par Javier Diez Canseco)[1]


Six mois après le séisme, la grande majorité des personnes affectées continuent d’attendre. Ils attendent la reconstruction, l'aide effective de l'État pour reconstruire leur maison, leur économie, leur vie. Le président García n’a pas eu de meilleure idée, en guise de justification, que d’annoncer que plusieurs pays ont promis 107 millions de dollars, mais que seuls 7 de ces millions sont arrivés (bien éduqué envers ses "amis", il n'a pas précisé qui avait donné et qui non). Et c'est pourquoi, dit-il, le Forsur[2], qu’il a créé, n’a pas résolu ce qu’il aurait dû.

Une fois de plus, le conte du "mendiant assis sur une banque d'or". Pour García, il est naturel d'attendre six mois la solution venue de l’extérieur, la donation, et de ne pas se baser sur nos ressources et nos capacités. Sommes-nous vraiment un pays mendiant, sans ressources ni alternatives ?

En 2007, l'économie a connu une croissance de 8.9% et les économistes nous disent que nous assistons à sept années de croissance continue. C'est-à-dire que, l'année du séisme, le Pérou a produit plus et a dû récolter plus pour pallier à ses nécessités et urgences, ne pas attendre charité. Mais, entre 2006 et 2007, le gouvernement a réduit les impôts ou les tarifs à l'importation de milliers de produits étrangers, en cessant d’amasser 500 millions de dollars (cinq fois plus que ce qu'Alan réclame aux donneurs étrangers). En 2007, il a aussi négligé sa promesse d'établir l'impôt sur les surprofits miniers, qui aurait généré, dans cette même période, plus de 5000 millions de dollars, c'est-à-dire, 50 fois ce qu'il réclame aux donneurs négligents.

Il n’a pas, non plus, revu ou renégocié les inacceptables contrats de concession de nos ressources naturelles. Il est un fait, donc, qu'il y a des ressources - abondantes qui plus est - mais, à la fois, il n’y en a pas!

[3]

"Le pays" croît depuis des années mais la pauvreté continue à tuer lentement 45% des péruviens, et l'écart entre riches et pauvres s’agrandit. Cela veut donc dire que "le pays" ce n’est pas nous. Ne voyons-nous pas comment s’enrichit une poignée de grandes entreprises, principalement étrangères, tandis qu'une majorité des péruviens ne voient rien de cette richesse ?

Les gens protestent en raison de la hausse du coût de la vie. Le gouvernement réduit les impôts à l'importation, mais des groupes de commerçants mangent la réduction et les prix ne baissent pas, tandis que le gouvernement observe, impassible, comment grossissent les apôtres qui s'asseyent à la table du Palais. […]

[4]

Le "sauvetage venu de l’extérieur" est quelque chose en quoi, chaque fois, moins de péruviens nous croyons. Nous sommes nombreux à être fatigués que nos ressources naturelles servent à enrichir les autres et non à générer richesse et emploi dans le pays. Nous vendons des matières premières et nous ne les transformons pas industriellement, ni ne produisons la machinerie et la technologie pour les exploiter. Tout vient du dehors et le profit s’en va dehors, au lieu de créer emploi et développement au Pérou.

Nous n'investissons pas, non plus, en science et technologie pour profiter de la gigantesque banque biogénétique que nous avons au Pérou. Avec raison, les peuples de l'Amazonie protestent contre la prétention gouvernementale de vendre - en lots de dizaines de milliers d'hectares - notre forêt vierge, pour qu'elle soit exploitée par de grandes entreprises étrangères avec l'argument qu’il s'agit de terrains en friche et sans arbres.

Avec raison, les habitants de Cuzco ont résisté à la prétention de livrer en concession à de grandes chaînes hôtelières les terrains adjacents aux ruines archéologiques[5], en sachant les corruptions auxquelles cela se prête avec un État qui n'est pas soumis au contrôle des citoyens et ne fait preuve d’aucune transparence.

Les gens seraient-ils fous quand ils se fâchent parce qu’on veut vendre le gaz de Camisea[6] au Chili alors que la grande majorité des péruviens ne peut même pas l’utiliser pour avoir de l'énergie ou des transports bon marché ? Pire encore, quand l’Etat chilien s'approprie de notre mer territoriale impunément et le gouvernement apro-fujimoriste de García soutient que le commercial et le politique suivent des chemins séparés. […]

Il est temps de freiner ce "Président" qui met aux enchères et vend aux soldes notre patrimoine et le destin national, temps de changer le cours des choses et de récupérer notre futur. Sommes-nous des mendiants attendant, par charité, un futur, ou un peuple capable d'assumer la construction de son destin ?


[1] Article paru dans La República (18/02/2008)

[2] Fonds pour la Reconstruction du Sud.

[3] - Qui a dit qu’il n’y avait pas moyen ? Nous volons rien qu’avec l’aile droite et nous le faisons bien mieux, Alan !

- Tu as raison, Rafael, dans ce type de transport l’aile de gauche ne sert qu’à causer des problèmes !

[4] Soyez tranquilles, votre président est de retour, avec 2 solutions face à la hausse des prix. La 1ère : calme et sérénité. La 2de : nous allier avec le Japon et la Chine. Vous voyez que tout s’arrange ?

[5] L’exploitation du Machu Picchu, par exemple, est déjà aux mains d’une compagnie étrangère qui fait payer des prix tout à fait exorbitants sans que cela bénéficie vraiment la population locale ! Voir à ce sujet :

http://www.espaces.qc.ca/espaces/html/actualites/novembre2004/actualites86.shtml

[6] Depuis 2004 ces importants gisements de gaz de la région de Cuzco constituent la ressource énergétique n°1 du pays.

Aucun commentaire: