26 mai 2008

Lorsque les enfants sont les victimes : un autre regard sur l’Amazonie péruvienne

(par Julien Lefèvre)



La “Defensoría de los niños, niñas y adolescentes” de Mazuko, situé dans la partie amazonienne au sud du Pérou, travaille pour le respect des droits des enfants. En partenariat avec l’“Albergue Juvenil”, dont l’objectif est la formation d’enfants issus de familles agricoles, elle recueille temporairement des jeunes en situation d’abus. Grâce à l’association Huarayo, qui coordonne ces deux projets, et au soutien de Terre des Hommes – Suisse, un autre avenir est possible pour ces jeunes.


Durant trois semaines, d’autres rires retentirent à l’Albergue Juvenil de Mazuko. Ceux de Dayana, une petite fille d’un an et huit mois. Mais, également, ceux de Roxana, douze ans, et Adali, onze ans. Leur présence fut le résultat de circonstances bafouant entièrement le respect de la vie de ces jeunes filles.


Dayana arriva à Mazuko fin février 2007, avec sa maman et de son beau-père, ayant fait le trajet en moto depuis Satipo, non loin de Huancayo. Ana, sa jeune mère âgée de 20 ans, y laissa son premier enfant en compagnie de son père. Comme beaucoup d’autres, ils vinrent probablement à Mazuko à la recherche d’un travail mieux rémunéré, attirés par les mines d’or ou par les quelques postes offerts par l’entreprise qui se charge de construire la future route interocéanique joignant la côte brésilienne à celle du Pérou. Deux mois après leur arrivée, les voisins se présentèrent à la Defensoría de los niños y adolescentes dans l’intention de signaler la présence d’un bébé qui ne cessait de pleurer toute la journée.


En effet, Dayana restait seule, sans la présence de sa maman ou de son beau-père. Ce dernier lui administrant des somnifères pour plus de tranquillité, lorsqu’il était à la maison. Face à cette situation, les voisins se proposèrent pour s’en charger la journée, tandis que la mère était absente et qu’elle ne se souciait guère, à son retour, de savoir si la petite avait mangé ou dormi. Un jour, ils constatèrent que Dayana avait les parties génitales enflées et consultèrent de nouveau la Defensoría, supposant qu’elle avait été abusée sexuellement. Un examen médical révéla une inflammation due à une plante urticante : un moyen que le beau-père utilisait en guise de punition. Elle souffrait également de diarrhées, de déshydratation et de bronchite. Dayana resta, alors, deux semaines chez ses voisins, jusqu’au jour où sa maman, prétextant un voyage à Puerto Maldonado, ne revint pas auprès de sa fille. Enceinte d’un mois, elle quitta Mazuko en compagnie du beau-père, de deux fois son âge. Ne pouvant s’en occuper plus longtemps, les voisins apportèrent la petite à la Defensoría. Après avoir acté l’abandon au commissariat, la Defensoria se chargeât, alors, d’héberger l’enfant, le temps que l’Administration prenne une décision.


Le jour avant l’arrivée de Dayana, une gérante de compagnie de taxis se présenta un matin à la Defensoría, en compagnie de deux jeunes filles. Celles-ci comptaient se rendre à Puerto Maldonado pour y chercher du travail mais n’avaient pas de quoi payer le voyage.[...]

A l’âge de sept ou huit ans, Adali vivait en compagnie de sa mère et de son beau-père. Tandis que sa maman était de voyage, l’homme se retrouva seul avec la jeune fille. Alors qu’Adali lisait son livre après le repas, le beau-père lui mis la main sur la bouche, la mena au lit et la viola. Celle-ci ne dit rien au retour de sa maman, l’homme menaçant de la tuer si elle dévoilait l’horrible secret. Elle alla, ensuite, vivre chez sa grand-mère à Combapata, près de Cuzco, jusqu’à l’âge de dix ans, pour revenir auprès de sa maman qui avait déménagé pour Delta-Uno. Alors que le beau-père était absent de plusieurs jours, la maman apprit le sort de sa fille et en parla avec elle. Cependant, se souvenant de la menace qui planait sur elle, Adali prit peur et s’enfuit en compagnie de sa meilleure amie.

Roxana arriva à Delta-Uno en décembre 2006 pour étudier auprès de sa sœur aînée. Alors que cette dernière était de voyage à Puerto Maldonado, pour des raisons de santé, son mari rentra un soir, saoul, et pénétra dans la chambre de la jeune fille. Il s’installa sur le lit où Roxana dormait et abusa d’elle. Par la suite, le beau-frère instaura un climat d’intimidation tel, qu’elle ne pu confier à sa sœur ce qu’il s’était passé. Le jour de leur départ, Adali et Roxana rencontrèrent la sœur dans la rue, qui réprimanda sa cadette. Elles rejoignirent, alors, la maison d’Adali pour y prendre quelques vêtements et se mirent en route pour Mazuko. Le lendemain matin, les deux jeunes filles rencontrèrent, à la compagnie de taxis, une dame qui leur proposa du travail à Puerto Maldonado. Sans l’intervention de la gérante et de la Defensoría, il est probable qu’Adali et Roxana se soient retrouvées dans un réseau de prostitution de la capitale du département.

En plus d’offrir un toit aux jeunes filles, la Defensoría entama les démarches afin que l’administration civile les orientent vers une institution appropriée. Elle apporta sa protection contre d’éventuelles représailles des personnes incriminées mais, aussi, un encadrement aux entrevues avec les parents. Ainsi, le soir du mercredi 04 juillet 2007 s’en allèrent Dayana, Adali et Roxana, en compagnie d’une assistante sociale en direction de foyers à Cuzco.

Ces situations ne sont pas des cas isolés dans le département de Madre de Dios. Réputée pour ses mines d’or et pour l’extraction du bois, cette région attire de nombreuses personnes à la recherche d’un meilleur emploi. À plus forte raison, depuis 2007 a débuté la construction de la route interocéanique passant par Mazuko, accroissant le flux d’arrivants. Dans ce contexte, les enfants sont les premières victimes de la précarité sociale et économique. Abandon, négligences, violences familiales, viols, exploitation dans le travail, prostitution, sont autant d’atteintes aux droits des enfants constatées dans cette partie du pays. Pour lutter contre ces dangers, l’Association Huarayo est active depuis 1998. Grâce au soutien de Terre des Hommes, elle est à l’origine de nombreuses initiatives, dont la gestion d’un réseau de quinze “defensorías” à travers le département. Parce que l’avenir de ces enfants est pour elle une priorité, l’Association Huarayo poursuit chaque jour son combat!

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