11 juil. 2012

Du Bhoutan à Cajamarca

Si quelqu'un dit : “Conga no va !“ (Conga ne passe pas!), immédiatement vient l'accusation: “Alors vous êtes contre le développement et le progrès“. Ma réaction est de demander: “De quel type de développement et de progrès parlons-nous?“ Et, il me semble qu'il n'y a pas grand chose de clair à ce sujet. 

Une des définitions du développement est “l'amélioration qualitative et durable d'une économie et de son fonctionnement“, ce qui illustre que lorsqu'on parle de développement on pense normalement en termes économiques. Maintenant, si on on regarde un pays comme l'Espagne, qui a la 5ème économie de l'Union Européenne, nous voyons qu'il y a quelques années elle jouissait d'une croissance économique impressionnante que tout visiteur remarquait en voyant la construction de milliers d'appartements à Madrid, on disait que l'aspiration des gens était d'avoir son propre appartement, sa voiture et de bonnes vacances. 

Aujourd'hui, tout cela semble un rêve et les espagnols se sont réveillés à la réalité d'une économie en récession, la restitution des appartements aux banques et 24% de chômage dans la population active. On peut dire que le panorama n'est pas des plus heureux. Le développement économique a collapsé, créant une atmosphère d'amertume et frustration. 

Amertume et frustration abondent à Cajamarca pendant que nous sommes absorbés dans le conflit du projet Conga. Je me demande s'il y a réellement un projet de développement qui soit durable y qui amènera du bonheur a la majorité des cajamarquinos. Quand on parle avec des personnes âgées, elles parlent avec nostalgie de Cajamarca d'antan, bien moins développée économiquement et bien plus heureuse. Ce débat entre développement économique et bonheur se vit d'une façon extraordinaire au Bhoutan, petit règne bouddhiste au nord de l'Inde qui conserve une culture traditionnelle que met en exergue l'importance du bonheur. C'est la préoccupation des gouvernants: que les gens soient heureux. Cependant, leur culture traditionnelle doit se ménager une place face à l'avancée – ou l'invasion – de la modernité globale. 

Ceci a directement à voir avec ce qui se passe ici à Cajamarca, où il y a un abîme entre riches et pauvres, où la propagande commerciale siège de toute part. Elle a pour but de stimuler le désir d'acquérir de plus en plus de chose, ce qui choquerait de manière frontale avec la tradition du Bhoutan qui affirme que le désir est la mère du malheur. 

Michel Garnett

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