28 sept. 2011

La marche indigène et l'intervention mettent à nu de nouvelles réalités (par Lorenzo Soliz)*.

Le président Evo Morales a déclaré, lors de la conférence de presse du lundi 26, qu’il n’avait jamais donné son aval aux excès qui ont été commis contre les manifestants, il les a même qualifiés "d’impardonnables". 

Pour sa part, le ministre de l’intérieur, Sacha Llorenti, a affirmé que l’action avait été menée sur base d’un ordre du fiscal Edwin Sarmiento qui a lui nié ces faits : "je n’ai ordonné aucune intervention" (La Razón, 27 septembre). Avec ces incohérences et contradictions, on peut se demander qui prend les décisions, qui donne réellement les ordres ?

Si ces faits sont réellement impardonnables, comment se fait-il qu’on pardonne ceux qui ont une responsabilité hiérarchique de par leur fonction dans cette intervention violente contre la marche indigène ? Comment se traduit et concrétise cette indignation présidentielle ? On est en droit d’attendre des mesures qui correspondent au caractère impardonnable de ces faits.

En ce qui concerne la construction de la route, le Président ha déclaré qu’elle était interrompue jusqu’à ce qu’une décision soit prise dans un débat national. Nous soutenons qu’aucune sorte de débat ni de consultation nationale ne sont nécessaires pour faire respecter la Constitution dans laquelle sont établis : les droits des peuples indigènes à leur territoire et à leur autodétermination, la gestion territoriale indigène autonome, l’usage et profit exclusif des ressources naturelles, et au cas où un projet les affecterait – comme c’est le cas de la route en question – la consultation préalable et de bonne foi. De nouveau, il faut rappeler que les indigènes ne s’opposent pas à la route. Ce qu’ils refusent c’est qu’elle traverse leur territoire pour les raisons si souvent exprimées et que nous n’allons pas répéter. Le débat national aurait-il pour but d’insister afin que la route passe au milieu du TIPNIS ?

L’intervention contre la marche a aussi suscité – et il ne pouvait en être autrement – le refus et la condamnation de nombreuses organisations, institutions et personnalités au niveau national et international. Mais, tout comme nous condamnons la violente intervention contre la marche et le non-respect des droits de l’homme, nous condamnons, avec la même énergie et détermination, les attitudes, discours et actions opportunistes de ceux qui instrumentalisent ces faits. C’est très bien de vouloir défendre les droits de l’homme et les peuples indigènes, ça aurait été bien de le faire à l’époque où ils exerçaient le pouvoir. 

Aujourd’hui plus que jamais, nous devons être conscients que les leaders sociaux, les politiciens et les secteurs qui ont été déplacés du pouvoir ces dernières années trouvent, dans ces évènements violents de dimanche, l’opportunité de se recycler, se revendiquer et se repositionner. Pendant ces journées de dénonciation, colère et mobilisations, on a justement entendu de leur part des expressions telles que "le processus de changement ne marche plus", "le processus de changement est mort", "le processus de changement a été une tromperie du gouvernement et du MAS", etc. Attention à ne pas répéter sans réfléchir ce type de phrases. Il est important de ne pas se laisser avoir par ceux quoi n’ont jamais lutté pour les transformations et le processus de changement dans le pays, et au contraire qui s’y sont opposés frontalement. S’il est vrai que le gouvernement n’a pas su mener cette affaire, ou qu’il est en train de se tromper et de dilapider la confiance qui lui a été donnée via les urnes, le processus de changement, la nouvelle Constitution doivent continuer à être les objectifs pour lesquels lutter, puisque ce processus n’est pas du MAS ou du gouvernement, et il n’a pas débuté en 2005. C’est pourquoi, avec la suffisante maturité, réflexion et autocritique, le peuple, les organisations sociales et le mouvement populaire en général doivent avoir la capacité de le défendre, car il n’est pas mort !

* L’interview originale en espagnol se trouve sur le site de la Fundación Tierra.
 Directeur général du CICPA (Centre d’Investigation et Promotion de la Paysannerie).

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